lundi 7 juillet 2014

petit chef et grand chef

petit chef et grand chef - où il est encore question de management

dans nos conversations de copines, ou de réseaux de femmes, le thème du management arrive rapidement ; pourquoi les réseaux de femmes ? Pour promouvoir les femmes à tous les postes (et oui, avec un ambition de 50% - et non 20, 35 ou 40%) dans chacun des postes ou métiers. Et comment agir pour la promotion des femmes ? il faut aller trouver les talents et les reconnaitre, d’où un premier rôle du management.
Ensuite, dans notre société en général, le progrès en entreprise est généralement lié au management. Généralement ? oui carrément tout le temps ? Allez, soyons honnêtes, c’est tout le temps : je n’ai jamais vu aucune femme ou homme responsable de sujets importants, de budgets, de marge, de marchés, de gammes de produits, ….sans aucune équipe à manager. Le rôle de manager est donc pratiquement parallèle à celui de la progression, à l’arrivée de nouveaux rôles et métiers dans une carrière.
je pense qu’un jour cela changera – et j’entends ce jour arriver à grand pas pas très bruyants, avec une manière de marcher assez souple et féminine dirais-je – mais ce n’est pas encore demain la veille au sens littéral.
Avec le rôle du manager, la conversation s’engouffre rapidement vers « le problème avec mon manager ». « le problème avec mon manager, c’est qu’il ne veut rien changer », « le problème avec le mien, c’est qu’il n’écoute pas ce qu’on lui dit ». « le problème avec mon manager, c’est qu’il ne respecte pas du tout le contrat social/les chartes/les décisions ». « le problème avec mon manager, c’est qu’il s’en fiche/contrefiche/pire encore »…
En premier abord, et après 20 ans de management,  de cours suivis sur le sujet, et de livres théoriques, une habitude d’analyse et de la pratique du conseil, on peut répondre a priori deux choses :  tout d’abord, les « bonnes relations sont importantes », et pour cela, il faut pouvoir parler, et pour cela, il est bon de s’exprimer : parle avec la méthode DESC : Décrit les faits (j’ai reçu tel mail tel jour telle heure), les Emotions engendrées(cela m’a fait particulièrement mal car j’ai eu l’impression d’être attaquée sur ce point…), propose une Solution (est-ce que cela pourrait être une solution à l’avenir de prendre un point régulier entre nous pour discuter seulement de méthode de travail au sein de l’équipe ?), voir quelle pourrait être la Conclusion (qu’est-ce que tu en dis ? qu’est-ce qu’on en conclue ?). Le second point : Relativise. C’est ton chef ok, il est pénible ok, il n’a que des défauts ok, tu passes plus de temps avec lui qu’avec ton mari, ok, qu’avec tes enfants, ok… mais relativise tout de même. Prends du recul, pratique la minute-méditation, pratique ta foi, pense à ton corps, tien-toi droite, respire, va faire un tour dehors, pense à autre chose, ne rumine pas…pense à ce qui est vraiment important, relis les derniers regrets des personnes sur leur lit de mort : « je n’ai pas assez vu mes enfants, je n’ai pas appris telle chose, pas vu tel pays.. ; ». voilà, ne te laisse pas pourrir la vie par ce qui n’en vaut pas la peine.
Je vous avouerai que ce que je vous dis là n’est que la moitié de moi qui parle, la partie qui a appris, qui sait, la sachante, celle qui veut que tout se passe bien.
ma seconde moitié se pose des questions. de tout ordre.
tout d’abord : pourquoi les femmes se prennent la tête ? à tel point que je me suis ruée sur l’ouvrage du même titre « pourquoi les femmes se prennent la tête » ou en anglais « overthink » ? Mon mari, en lisant le titre, me rétorque : « ben évidemment, puisque ce sont elles qui font tout, il faut bien qu’elles pensent à ce qu’elles doivent faire… ». Le livre évoque cette raison, bien-sûr, et d’autres aussi : notamment,  en étant fille, on a plus été éduquée à laisser s’exprimer nos émotions. Mais surtout cet ouvrage, écrit par une psy,  décrit combien il mauvais de ressasser des mauvaises pensées.
une autre question : celle de madame justice : « que faire face à de tel comportements ? ». C’est la question de la délation : quand on est témoin/victime de ce genre de comportement, que faire ? S’il semble évident de dire qu’on doit dire quelque chose, ce n’est pas si simple dans la vie de tous les jours. Bien-sûr que l’on doit combattre ces attitudes de « petits chefs » qui abusent de leur pouvoir.
Quand on est témoin, cela semble plus simple, encore une fois en appliquant la méthode DESC : j’ai vu cela et cela m’a profondément touchée car je l’ai vue en  souffrir, n’y aurait-t ’il pas moyen de….
hé bé « moyen de quoi ? » car avec un petit chef : pas facile de trouver une solution. le petit chef a sa méthode de réduction de salarié en « petit salarié ». tu obéis car je t’ai demandé d’obéir. Il peut même réduire le témoin en « petit témoin » : « tu as vu ça, mais tu n’es pas au courant de tout.. ; » avec plein de sous-entendus… tu te permets de proposer telle solution, mais occupe-toi d’abord de tes affaires, et de ton travail et que je t’en remets une louche pour être sûr que tu n’aies pas le temps de l’ouvrir ou de faire autre chose….comme quand la marâtre de Cendrillon re-mélange exprès les lentilles avec les cendres pour que Cendrillon recommence son travail et n’ait pas le temps de se coudre une robe de bal…
non, le petit chef a réponse à tout, et des solutions éprouvées pour nous pourrir la vie, et nous pousse même à devenir aigris nous-même.
Dans un autre registre, cela me fait penser à ce livre très épais et très touchant…je ne veux pas vous raconter la fin si vous ne l’avez pas lu…mais qui décrit comment les nazis arrivaient à faire faire des horreurs à leurs victimes…et comment les victimes devaient lutter moralement pour ne pas devenir « horribles » elles-mêmes.
On peut être enfermé dans un enfer avec un petit chef bien pernicieux, bien aigris.
la question de la délation est complexe : celle qui « dit » est souvent mal perçue : oiseau de mauvais augure ? celle qui lève le voile a le mauvais rôle. c’est une emmerdeurse, elle n’est jamais contente. elle exagère tout. pour elle il faudrait toujours tout changer. et pourquoi ne le dire que maintenant ? comment ça se fait que personne ne se soit exprimé avant ? La délation – peut-être une particularité franco-française ? – a très très mauvais rôle. La victime devient la harceleuse car elle tente de faire porter son message…
Et pourtant, pour changer le monde, il va bien falloir l’avoir ce Courage. Courage de dire, de faire, de porter haut la voie, la parole. Montrons ce qui ne va pas. Avec le sourire, sans haine, sans vengeance, sans arrière pensée, en ayant déjà pardonné. Prenons exemple sur les « carrotmob » qui sont des actions anti-boycott (merci Audrey Sovignet –fondatrice de ‘I wheel share’ qui m’explique cela) : les associations de personnes porteuses de  handicaps moteurs proposent des RV à grande échelle dans des lieux, par exemple des restaurants.. .qui justement ne sont pas accessibles aux handicapés !! Ils viennent à plein plein de fauteuils roulants, ameutent tout le monde, avec le sourire, s’entraident pour arriver tout de même dans ces lieux inaccessibles sans aide…cela fait plein de pub pour le restaurant…qui est super content…qui du coup investit dans des rampes ! Le « petit restaurateur » devient « grand ». Et si on faisait aussi passer notre « petit chef » à « grand chef » ?
si on ameutait toute l’équipe ? et même les équipes à côté ? allez, on a un problème majeur ici : on a trop de travail, pas assez d’outils, pourtant notre job est passionnant, il permet de changer la vie de tant et tant de gens, sans nous etc etc … qui a des idées pour changer ? regardons ce qui se passe ailleurs, ouvrons les portes, venez voir et allons voir ailleurs ?
Donner de la visibilité à un petit chef est certainement un bon moyen de le faire grandir, non ?
bon, je vous vois d’ici. vous n’êtes pas d’accord.
mais alors pas du tout : ce petit chef est nul et chiant et arrogant et insupportable, alors non merci, je ne veux pas en plus lui tendre la main ! faire croire aux autres que c’est une bonne équipe alors que c’est l’enfer !
c’est tout le problème des souffrances invisibles.
Il faut les rendre visibles. Les dire.
A vos crayons ?

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